Journées professionnelles 2013
En ouverture de la 24ème édition des Rencontres Cinématographiques de la Seine-Saint-Denis, Cinémas 93 a organisé trois journées professionnelles dédiées aux enjeux de l’éducation aux images.
Du 13 au 15 novembre, près de 400 acteurs de l’éducation à l’image, représentants de salles de cinéma, bibliothécaires, étudiants, producteurs, distributeurs et programmateurs se sont réunis au Ciné 104 à Pantin pour assister à des conférences, des tables rondes et participer à des ateliers.
Nous vous proposons le compte-rendu de ces trois journées :
Programmer : selon quels critères choisit-on un film pour le très jeune public ? / Table ronde
Table ronde animée par Véronique Soulé, réalisatrice et animatrice d’une émission hebdomadaire sur l’actualité culturelle des enfants, « Ecoute ! Il y a un éléphant dans le jardin » sur Aligre FM. Participant.e.s :
- Marie Bourillon, co-fondatrice avec Emmanuelle Chevalier des Films du Préau, société de distribution de films pour enfants.
- Nathalie Bouvier, chargée de production au Forum des Images et coordinatrice du festival Tout-Petits Cinéma.
- Chiara Dacco, responsable des actions éducatives à Cinémas 93.
- Sarah Génot, programmatrice et animatrice jeune public au cinéma L’Etoile de La Courneuve.
- Camille Maréchal, déléguée générale de Cinéma Public qui organise notamment chaque année le Festival international de films jeune public Ciné Junior dans une quinzaine de salles du Val-de-Marne.
- Tamara Savitsky-Midena, puéricultrice, responsable de groupement de crèches au Service des crèches départementales de la Seine-Saint-Denis.
Véronique Soulé a ouvert la table ronde en rappelant les faits suivants : dès 1980 des réflexions sont menées sur l’éveil précoce des tout petits dans le domaine du livre, du spectacle vivant, de la musique ou encore du cinéma. A partir de 1989, les salles ont fait leurs premières expériences en matière de programmation pour le très jeune public. Depuis, les initiatives se sont multipliées, des partenariats se sont développés, notamment avec les institutionnels.
Chaque participant a tout d’abord présenté le cadre dans lequel sont faites les propositions de programmations à destination des tout petits au sein de leurs structures respectives :
Tamara Savitsky-Midena fait remarquer que le fonctionnement des crèches départementales s’inscrit d’une part dans le contexte légal de la convention internationale des droits de l’enfant, qui comprend le droit à la culture, et d’autre part conformément à un projet culturel départemental. Afin de développer les actions menées dans le domaine du cinéma , un partenariat a été noué avec Cinémas 93 et la définition des critères propres aux crèches se fait en lien avec des psychologues et des pédagogues.
Chiara Dacco précise pour sa part que Cinémas 93 conçoit des programmes pour les 2-5 ans depuis 2002. L’association travaille en réseau avec 23 salles et 17 animateurs jeune public. La sélection artistique se fait avec eux mais une grande importance est donnée aux regards extérieurs. Un collectif de programmateurs a par ailleurs été créé pour les programmes « Petites fabriques », composé de représentants des structures suivantes : l’AFCA, Cinéma Public, Cinémas 93, Ecrans VO, Enfances au cinéma (et Cinessonne pour le 2ème programme).
Camille Maréchal précise que le festival Ciné-Junior (pour les 3-15 ans) a été créé en 1991 sur une initiative du Conseil Général du Val-de-Marne et à la demande des salles du réseau. Une très forte demande des salles du Val-de-Marne qui participent au festival se fait sentir depuis 4/5 ans pour les programmes destinés au très jeune public. Le festival a donc accru ses propositions. Plus d’une dizaine de programmes pour les moins de 6 ans sont proposés chaque année.
Sarah Génot explique qu’à son arrivée au cinéma L’Etoile de la Courneuve il y a sept ans, elle a été déroutée par une forte demande de séances spécifiques de la part des crèches, suite à un travail effectué avec ces structures d’accueil. A l’époque, il y avait peu de séances en direction des tout petits et l’idée de proposer des films pour cette tranche d’âge était nouvelle.
Nathalie Bouvier indique quant à elle, que le Forum des Images travaille auprès du très jeune public depuis 1998 avec la programmation de ciné-concerts, dont les premiers « Babyrama ». En 2008, l’idée d’un festival a germé autour d’une programmation de courts métrages du patrimoine ou de la création contemporaine, couplée à la reprise de ciné-concerts existants : Tout-petits Cinéma. L’année suivante, le Forum des Images s’est lancé dans la création et la production de ciné-concerts qui ont pour particularité d’associer des films à des artistes du spectacle vivant.
Marie Bourillon évoque enfin le travail de distributeur : c’est le programme de films Les Contes de la mère poule, distribué deux ans après la création des Films du préau, qui a suscité une très forte demande. Cette société de distribution de films pour le jeune public se distingue par son travail d’accompagnement : des dossiers pédagogiques ludiques sont réalisés pour chaque programme et chaque film est intégralement mis en ligne sur son site.
La constitution de programmes se fait selon des critères de choix à chaque fois différents : pour Gros pois petits pois par exemple, les distributrices sont tombées « sous le charme » de l’animation en volume, « toute en poésie, douceur et perfection ». Pour En promenade, le fil rouge serait plutôt la « douceur de vivre ». Quant à La Balade de Babouchka, il s’agit d’un programme d’un producteur russe (Pilote Films).
Pour quelles raisons programmez-vous des films pour le très jeune public et selon quels critères choisit-on les films destinés à être montrés au très jeune public ?
Dans ces conditions, qu’est-ce qu’un bon film pour enfants ?
Camille Maréchal fait d’emblée remarquer que les réalisateurs des films que l’on sélectionne pour les tout petits n’ont généralement pas réalisé spécifiquement leur film pour ce public-là. C’est nous en tant que programmateurs qui le repérons comme adapté aux 2-5 ans.
L’exemple des ciné-concerts produits par le Forum des Images permet d’évoquer une approche originale : des artistes qui ne sont pas étiquetés « Jeune public » (La Féline, Joseph d’Anvers…) mettent en musique des programmes de courts métrages qui retrouvent ainsi une nouvelle jeunesse lorsqu’ils sont accompagnés d’une musique rock ou électro. Nathalie Bouvier explique qu’avec les images, le son et les musiciens en salle, « on arrive toujours à récupérer les enfants ».
Ces initiatives permettent, selon Camille Maréchal, de laisser place à l’imaginaire de l’enfant. La compréhension du récit n’est pas si importante.
Dans cette perspective, Chiara Dacco ajoute qu’il est tout à fait possible d’inclure des films expérimentaux dans un programme destiné aux tout petits, de même que des films des premiers temps, films à trucs, vues Lumière, personnages burlesques. Il faut ainsi éviter de projeter des peurs d’adultes quand on constitue un programme. Dans cette optique, le rôle défricheur des festivals est fondamental.
Dans la même perspective, les adultes (animateurs de centres de loisirs, parents,…) sont réticents à montrer plusieurs fois le même film aux enfants. Il faut que l’expérience soit unique alors que pour certains enfants, revoir un film est un besoin.
La table ronde s’est clôturée sur une série de questions du public :
> Est-il possible de dissocier les films d’un même programme (dans le cas des deux programmes des Petites fabriques, c’est possible et même prévu).
> Peut-on projeter des films diffusés en festivals mais n’ayant pas de distributeurs ?
> Le coût d’un ciné-concert tel que ceux produits par le Forum des Images (de 1500 à 2200 € avec les droits).
Accompagner : comment construire une séance de cinéma pour le très jeune public ? / Table ronde
Table ronde animée par Véronique Soulé, réalisatrice et animatrice d’une émission hebdomadaire sur l’actualité culturelle des enfants, « Ecoute ! Il y a un éléphant dans le jardin » sur Aligre FM. Participant.e.s :
- Fatiha Allag et Laetitia Marin, éducatrices de jeunes enfants à la crèche Annie Fratellini, Pantin.
- Natalie Biazzo et Carole Bontemps, enseignantes à la maternelle Mont Cenis, Paris.
- Jérémy Bois, programmateur à Cinéma Public Films.
- Sévérine Houy, responsable de l’Espace des Arts des Pavillons-sous-Bois.
- Tamara Savitsky-Midena, puéricultrice, responsable de groupement de crèches au Service des crèches départementales de la Seine-Saint-Denis.
- Frank Sescousse, responsable du secteur jeune public au Ciné 104.
- Richard Stencel, chargé des animations et de la programmation jeunes publics au cinéma Le Figuier blanc d’Argenteuil
Franck Sescousse a tout d’abord rappelé comment se déroule l’accueil du très jeune public en salle :
- Cheminement : arrivée et départ à pied (le plus souvent).
- Accueil au comptoir avec distribution de brochures, cartes postales, tickets…
- Installation dans la salle avec un rehausseur. Toutes les séances et tous les films sont présentés, avec un arrêt entre chaque film.
- La salle est également présentée : l’écran, le projecteur, pour que les enfants se sentent à l’aise. Afin d’appréhender le noir un signe fait avec les enfants au projectionniste permet d’éteindre la lumière et lance le début de la séance.
- Il est interdit de toucher l’écran mais une certaine liberté de mouvement est accordée. Les séances doivent être vivantes !
- Une phrase rituelle est prononcée en fin de séance : « C’est tout pour aujourd’hui ». Les enfants sortent de la salle pour goûter ou rentrer.
Pour les 18 mois-2 ans, le film suffit. Il semble inutile d’ajouter un atelier ou une animation particulière, sauf événement spécial (comme la clôture d’un cycle par exemple).
Jérémy Bois évoque ensuite le travail spécifique de la société de distribution Cinéma Public Films qui, depuis 2008, accompagne directement les films en salle. Du matériel est récupéré auprès des producteurs et réalisateurs (des décors, des marionnettes…) et une tournée dans près de 80 salles en France est organisée pour animer des ateliers pédagogiques. Il ne s’agit pas de se substituer aux animateurs jeune public, mais de les épauler, de façon ponctuelle. Cette animation ne coûte quasiment rien aux salles.
Séverine Houy revient quant à elle sur la création d’ateliers sensoriels en lien avec le programme La Petite fabrique du monde. Par exemple, pour le toucher, des matières diverses ont été disposées dans des boîtes (comme de la glace et de l’eau, en écho au film Bottle). Le but de l’atelier est que les enfants expriment les sensations liées aux images du film. Dans la continuité du court métrage What a light un projecteur a été installé pour projeter l’ombre des personnages des courts métrages réalisés avec des pochoirs. Comme il est très difficile de maintenir un enfant de deux ans en éveil « on réfléchit toujours en référence à une image : cela permet de donner une réponse quand ils n’ont pas les mots. Avec peu de moyens on peut faire beaucoup de choses ».
Du côté des crèches, la préparation à une séance en salle nécessite une logistique particulière. Fatiha Allag explique qu’un car est mis à disposition pour trois structures. Chacune bénéficie de seize places. Quatre séances sont organisées par an pour des enfants de la section des grands, par demi-groupes. Les parents sont évidemment prévenus. Les enfants sont sensibilisés un ou deux jours avant puis à nouveau le matin même. Un professionnel encadre deux enfants : il faut penser à les changer leur donner à boire, mettre les manteaux, les chaussures. Arrivé au cinéma, après le trajet en car, le groupe est accueilli par Franck Sescousse.
A l’école maternelle, le travail est pensé sur un temps qui inclut l’amont et l’aval de la séance :
Natalie Biazzo participe depuis 8 ans à Mon premier cinéma organisé par l’association Enfances au cinéma dont le programme évolue de la petite section à la grande section. Une première approche est faite à partir de l’affiche du film. Les séances ont désormais lieu au Louxor après plusieurs années au Studio 28, des « cinémas spectaculaires » (décoration impressionnante, sièges rouges, rideaux qui participent à la magie du moment). Les élèves voient trois séances par an : « le jour où on voit le film, on ne fait que ça ».
Après la séance, le film est revisionné en classe : « on travaille sur la narration, les matières, on refait des décors, des personnages en pâte à modeler. On travaille sur la création du mouvement à partir de photos, pour en faire des diaporamas puis des films ». Au cours de l’année, « l’œil s’aguerrit, un vocabulaire se met en place ».
La table ronde a suscité des questions de la part du public portant notamment sur la formation des accompagnateurs. Emmanuelle Devos, responsable de la Cinémathèque Robert Lynen de la Ville de Paris, a également évoqué un dispositif mis en place par la Cinémathèque qui permet à une centaine d’écoles parisiennes de bénéficier de projections de films en 16 mm dans leur préau une fois par mois.
La journée s’est achevée avec la projection du programme inédit La Petite fabrique des couleurs. Programme de sept courts métrages d’animation, conçu par les associations organisatrices de la journée, non distribué. A partir de 2 ans.
La Réforme des rythmes scolaires / Débat public
Débat animé par Louise Tourret, journaliste et productrice de l’émission « Rue des Ecoles » sur France Culture. Participant.e.s :
- Karim Alphonse, responsable jeune public au cinéma Le Studio à Aubervilliers. Le Studio coordonne le dispositif École et cinéma en Seine-Saint-Denis.
- Eugène Andréanszky, délégué général des Enfants de cinéma, association qui met en œuvre le projet national Ecole et cinéma.
- Amélie Chatellier, responsable du service programmation et éducation au cinéma à l’Agence du court métrage qui met en œuvre des ateliers d’initiation au cinéma sur le temps périscolaire à Paris.
- Julie Guégan, chargée de développement au sein de l’association Silhouette qui met en œuvre des ateliers d’initiation au cinéma sur le temps périscolaire à Aubervilliers et à Paris.
- Dominique Mulmann, responsable jeune public au cinéma Le Trianon à Romainville.
- Brigitte Sztulcman, conseillère pédagogique départementale en arts visuels pour le premier degré. Elle est chargée de la mise en œuvre départementale du dispositif École et cinéma en Seine-Saint-Denis pour l’Education nationale.
- Annie Thomas, présidente de Cinémas 93 et directrice du cinéma Le Trianon à Romainville.
Vincent Merlin, directeur de Cinémas 93 a ouvert cette matinée consacrée à la réforme des rythmes scolaires en précisant qu’il s’agit tout d’abord de donner la parole aux acteurs de terrain. L’objectif est de clarifier les enjeux, de préciser ce que chacun des acteurs fait auprès des enfants (dans le cadre scolaire ou dans le cadre périscolaire). Dans cette perspective, trois questions se posent :
- Quelles évolutions à partir de cette réforme dans les partenariats entre les salles de cinéma et les écoles ?
- Quelles activités éducatives les associations et les salles peuvent-elles proposer sur les temps scolaires et périscolaires ?
- Quelle cohérence dans la semaine de l’enfant entre tous ces temps ?
Les conséquences de la réforme sur le dispositif École et Cinéma
Eugène Andréanszky explique en préambule que Les Enfants de cinéma ont interrogé le Ministère de l’Education nationale en amont de la réforme des rythmes scolaires, sur le projet Ecole et cinéma et sa place dans l’école. Le Ministère a réaffirmé fortement la place du projet dans le temps scolaire, c’est à dire dans les 24 heures d’enseignement. Selon lui, la rentrée s’est plutôt bien passée mais la principale inquiétude reste la formation des enseignants inscrits au projet, formation qui auparavant était organisée majoritairement le mercredi matin. Or Ecole et cinéma ne devrait pas être entrepris par un enseignant qui n’a pas de formation au cinéma.
Annie Thomas constate pour sa part les conséquences directes à Romainville, commune où les changements de rythmes ont eu lieu cette année : le nombre d’inscrits à Ecole et cinéma a sensiblement baissé, de même que sur un autre dispositif proposé par le Trianon, Classes image, auquel les enseignants sont très attachés. « Le lien est maintenu mais sur des actions plus ponctuelles. Cela génère une désorganisation du travail, un éclatement des demandes de séances sur les demi-journées ».
Ce constat d’une baisse des inscriptions à Ecole et cinéma est variable selon les territoires : Karim Alphonse note une augmentation du nombre de classes à Aubervilliers (de 25 à 30), même remarque pour la commune des Mureaux. Yves Bouveret, délégué général d’Ecran VO, évoque quant à lui le passage de 14 000 à 19 000 participants au dispositif sur l’ensemble du Val-d’Oise. Ces chiffres doivent maintenant être analysés.
Brigitte Sztulcman confirme les difficultés liées et à la mise en place d’un nouveau calendrier : les enseignants refusent que les formations Ecole et cinéma aient lieu le mercredi après-midi ou en soirée. Elle évoque plus généralement leur colère actuelle due au manque de reconnaissance dont ils pâtissent depuis une dizaine d’années : « dans ces moments-là on ne construit pas. Ils se sentent agressés, ils ont l’impression qu’on ne leur donne pas les armes suffisantes. Je pense qu’Ecole et cinéma est le bouc-émissaire de quelque chose de plus important : la reconnaissance d’une profession et les aides qui lui sont apportées. »
Exemples d’ateliers proposés sur le temps périscolaire
Amélie Chatellier présente les activités proposées à Paris par l’Agence du court métrage. Dans le cadre des ARE (Aménagement des rythmes éducatifs), une déclinaison du concept d’atelier de programmation a été proposée. 50 ateliers seront ainsi menés cette année à Paris : 10 au premier trimestre, 20 au deuxième trimestre et 20 au troisième trimestre. Ils sont encadrés par des intervenants professionnels (des réalisateurs ou des critiques). Les élèves composent un programme de courts métrages à partir d’un corpus défini par l’intervenant. Une séance de restitution est proposée pour la 12e séance au cours de laquelle des élèves d’autres classes sont accueillis. Si l’Agence du Court métrage défend la diffusion des films en salles, l’appel à projet de la Mairie stipulait que tout doit se dérouler dans l’enceinte de l’établissement.
L’association Silhouette représentée par Julie Guégan mène pour sa part des ateliers dans 3 écoles à Paris et dans 10 écoles à Aubervilliers. Il s’agit d’ateliers d’initiation : fabrication de jeux optiques (CP), ateliers sur des thématiques précises comme le montage, le sous-titrage, le bruitage (CE1-CE2), projets de courts-métrages (CM1-CM2).
Après trois mois, le constat varie selon les écoles. Celles où « ça marche » disposent de matériel, d’une salle, et l’équipe accueille les intervenants avec bienveillance. Dans d’autres écoles, cela se passe très mal.
Quelle place pour le cinéma sur le temps périscolaire ?
Dominique Mulmann a été contactée par la Ville de Romainville pour proposer des ateliers autour des films. Mais elle pointe plusieurs difficultés qui lui ont fait décliner cette proposition. La base de son travail est de promouvoir et de faire découvrir la salle, or cela s’avère impossible sur le temps périscolaire actuel. Par ailleurs, il est inenvisageable de travailler sur des longs métrages.
Amélie Chatellier, sans défendre la diffusion des films en dehors des salles, adopte une position pragmatique et évoque un projet de plateforme numérique sur Internet qui permettra de tisser des liens entre le travail effectué par Ecole et cinéma sur le temps scolaire en matière d’éducation à l’image, et le temps périscolaire.
La formation des animateurs
Un des enjeux majeurs de la réforme est la formation des animateurs. Si certaines associations sont en mesure de proposer des ateliers de qualité, ceux-ci coûtent cher (Amélie Chatellier confirme que les intervenants de l’Agence du Court métrage sont mieux payés que les animateurs de la Ville de Paris). Les animateurs des villes constituent un corps de métier très volatile, précaire, et peu reconnu. Il existe par ailleurs un réel problème de regard des enseignants sur les animateurs que pointe Eugène Andréanszky. Il est nécessaire que la communauté éducative travaille avec les professionnels de l’animation, qu’ils avancent ensemble ! Cela reste un vrai problème pour la rentrée 2014. »
Dans le même temps, pour les associations, cette réforme représente aussi un potentiel de développement. Elle permet d’assurer un travail et un revenu régulier aux intervenants.
L’animateur doit devenir intervenant, son statut doit être revu.
Reste que, dans certaines région, il n’existe quasiment aucun intervenant qui soit en mesure d’intervenir sur le cinéma dans les écoles et que par ailleurs, la question des financements reste posée.
ATELIERS INNOVANTS DE PRATIQUES ARTISTIQUES ET CULTURELLES EN TEMPS SCOLAIRE, PERISCOLAIRE ET HORS TEMPS SCOLAIRE...
Projection de films, confrontation des pratiques, transmission de savoir-faire.
Animé par Xavier Grizon, coordinateur Culture et art au collège à Cinémas 93.
Introduction par Jean-Jacques Paysant, délégué académique à l’éducation artistique et à l’action culturelle de l’Académie de Créteil.
Dispositifs en temps scolaire
Stainsbeaupays, portraits d’ados d’aujourd’hui réalisés dans le cadre d’un atelier coordonné par Cinémas 93 et encadré par Simon Bouisson et Eliott Lepers au collège Joliot Curie de Stains.
Enseignantes : Joanna Léréna-Larcher
Enjeu : pendant un an, une classe de 3ème a participé à la création d’un webdocumentaire. Chacun a ainsi pu devenir, le temps de l’atelier, auteur-réalisateur, journaliste, ou encore acteur.
En parallèle, les deux réalisateurs ont cherché les moyens de transformer cet atelier en objet de diffusion professionnel. Après avoir obtenu le soutien d’un producteur (Narrative), puis l’aide au développement du CNC et l’engagement d’un diffuseur (France Télévisions), Simon Bouisson et Eliott Lepers ont finalisé un webdocumentaire intitulé « Stainsbeaupays », diffusé sur le site de France Télévisions, Nouvelles Ecritures. Les réalisateurs y mêlent leurs créations et celles des élèves à travers une interface innovante et originale. Il s’agit du premier webdocumentaire de cette ampleur réalisé avec des adolescent.e.s entre 10 et 15 ans.
Atelier d’audio-description du film Les Escargots de Joseph de Sophie Roze – Cinéma Jacques Prévert (Aulnay-sous-Bois).
Avec Morgane Lainé, chargée de mission programmation et action culturelle au Cinéma Jacques Prévert.
Atelier encadré par Marie Diagne
Participants : une classe de 27 élèves de CM1-CM2.
Enjeu : travailler sur l’accessibilité des films aux handicapés (malvoyants et non-voyants).
Cet atelier interroge les élèves sur la façon d’intégrer à la bande son une description de ce qui se passe à l’image. Comment se mettre au service du travail d’une réalisatrice ? Comment s’adapter à une œuvre qui existe déjà, travailler sur le langage (les synonymes), l’écriture, servir une œuvre sans l’interpréter, au service d’un public ayant des besoins précis ?
Le film audio-décrit a vocation à être diffusé en salles.
Atelier VO et sous-titrages organisés par le festival Terra di Cinema – Tremblay-en-France. Présenté par Philippe Pennors, projectionniste.
Atelier encadré par Philippe Pennors
Enjeu : créer les sous-titres d’un extrait de film, d’une bande-annonce.
L’atelier peut aussi prendre des directions moins attendues : sous-titrage d’extraits sans dialogues, création d’une lettre animée, création à partir de textes de classiques mis en images avec des animatiques de jeux vidéo…
Durée de l’atelier : 40 minutes (20 minutes portent sur des jeux sur l’image et 20 minutes sur l’utilisation du logiciel). L’enseignant prend ensuite le relai pour l’écriture des sous-titres proprement dite.
Site du programme Sottotitolo93.
Ateliers « Jeux d’acteurs » coordonnés par Cinémas 93 dans les collèges de Seine-Saint-Denis.
Ateliers pratiques de 20 heures proposés aux classes de collège de Seine-Saint-Denis.
Enjeu : sensibiliser les élèves à la pratique du cinéma à partir du jeu d’acteur (qui a des implications sur la prise de vue, le montage, etc.).
A travers un angle d’approche simple et ludique, les élèves découvrent différentes facettes d’un tournage. L’implication d’une équipe technique (ingénieur du son, chef opérateur) permet de soigner le résultat des ateliers et favorise la rencontre avec différents métiers du cinéma.
Dispositifs hors temps scolaire
Ateliers pratiques proposés au cinéma Le Trianon (Romainville) pendant les vacances scolaires FX, cascades, remakes…
Avec Thaïs de Lorgeril, chargée des relations publiques, et Suzanne Duchiron, chargée du jeune public au cinéma Le Trianon.
Participants : jeunes de 12-16 ans contactés via le service jeunesse de la Ville et les centres sociaux.
Enjeu : partir à la découverte de métiers du cinéma et faire venir ce public au cinéma Le Trianon qu’ils fréquentent peu.
Déroulement : modules de 7h à 15h de pratique. Visionnement d’un film en salle suivi d’un atelier pédagogique animé par un professionnel.
Films sur téléphone portable tournés en partenariat avec le Magic Cinéma
Avec Emilie Desruelle, responsable jeune public au Magic Cinéma.
Atelier de réalisation d’auto-portraits animé par Wilfried Jude.
Participants : des jeunes de l’hôpital de jour d’Avicenne (service de psychiatrie).
Enjeu : filmer quelque chose de personnel avec un outil à soi. Il ne s’agit pas tant de produire une vérité qu’une image de soi mise en scène.
Déroulement sur 3 séances : une séance de préparation (visionnement de films de cinéastes ou de films tournés à l’occasion d’autres ateliers), une séance de tournage, une séance de montage.
Parcours de cinéma en festivals, proposé par Passeurs d’images en Ile-de-France.
Avec Elise Picon, réalisatrice de films, de documentaires sonores et de documentaires de création.
Atelier proposé à des jeunes sur hors temps scolaire, par l’intermédiaire d’une structure relai.
Enjeu : Faire venir les jeunes dans un festival et réaliser un entretien filmé avec un ou deux réalisateurs.
Déroulement : 2 séances d’initiation (cadrer, percher, écrire des questions), tournage pendant le festival et montage. Les films sont ensuite mis en ligne sur le site de Passeurs d’images.
Ces parcours en festival sont un moyen de développer une fréquentation de lieux et d’œuvres culturelles pour les participants. Ils les rendent également acteurs en les initiant à une pratique.
La création cinémato/graphique : quand la ligne prend corps
Journée dédiée à la thématique des Rencontres cinématographiques de la Seine-Saint-Denis 2013. En partenariat avec la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image animée.
Introduction de la journée
Par Gilles Ciment, théoricien et historien du cinéma et de la bande dessinée, directeur de la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image animée.
Si la question de la relation entre les arts graphiques et le cinéma représente « un continent entier », quelques rappels historiques et de concepts permettent de s’y orienter, notamment en ce qui concerne les rapports entre le du cinéma et de la bande dessinée qui ont beaucoup évolué ces dernières années. Depuis la parution d’un numéro de la revue CinémAction sur le cinéma et la bande dessinée en 1990, une des premières – et rares – publications sur ce thème, les liens se sont considérablement resserrés. Les initiatives ont été nombreuses avec le développement du cinéma d’animation et de son sous-continent, l’animation par des auteurs de BD. On est loin du temps ou René Clair déclarait : «La bande-dessinée est un cinéma inanimé».
La proximité entre les deux arts a souvent été pointée alors qu’il n’y a rien de plus différent que l’image cinéma et l’image dessinée. Un photogramme est une image-temps figée alors qu’une case de BD possède une durée élastique, présentant souvent plusieurs moments successifs. Autre différence : le cadre. En BD le dessin va produire son propre cadre, au cinéma, le cadre est un prélèvement dans un espace réel. Du point de vue du style également : autant il est difficile de reconnaître la signature d’un réalisateur à la vision d’un seul plan, autant une image dessinée est immédiatement signée et identifiée.
Il n’en demeure pas moins que le cinéma entretient une relation de proximité avec l’image dessinée, comme un substitut provisoire de l’image filmée (voir les story-boards et les maquettes de décors, deux moments de préparation d’un film où tout passe par le dessin et par la relation entre un réalisateur et un graphiste).
Il est également certain que BD et cinéma se sont nourris réciproquement dès les origines. Les cinéastes des premiers temps ont emprunté beaucoup de procédés à des « histoires en images ». Gilles Ciment cite par exemple la séquence de l’enterrement dans Vampyr de Dreyer, tournée en plan subjectif et dont on trouvait déjà le principe visuel chez Winsor McCay. Le premier grand western, The Great Train Robbery, et son célèbre plan d’un pilleur qui tire sur le spectateur évoquent directement une BD de reportage et la presse illustrée du XIXesiècle. Welles s’inspire de Milton Caniff pour ses cadrages, éclairages et un certain type de montage, et Chaplin emprunte beaucoup à McCay dans Les Temps modernes…
Plus proche de nous, Resnais, grand lecteur de BD, avant de faire travailler Bilal, Floc’h ou Blutch sur certaines de ses affiches, avait utilisé dans Muriel et L’Année dernière à Marienbad, un procédé d’effacement du décor pour certains plans rapprochés, qui renvoie aux comic strips américains. Des réalisateurs ont en outre été dessinateurs, certains ont même publié des bandes dessinées : Eisenstein, Greenaway, Fellini, Lynch… Walt Disney est allé puiser chez les illustrateurs, les graveurs, les auteurs de bande dessinée, il a même tenté de débaucher Edmond-François Calvo, génial auteur de La Bête est morte. Inversement, Hergé aurait voulu que Disney adapte Tintin, mais c’est Spielberg qui, après s’en être nourri pour Les Aventuriers de l’arche perdue, le portera à l’écran.
Dans les années 70, la bande dessinée, en France, devient adulte avec l’apparition de revues comme L’Echo des savanes, Métal hurlant,précédées par un magazine comme Pilote.Des auteurs comme Druillet, Moebius, Bilal renouvellent les formes graphiques. Des thèmes nouveaux apparaissent : la SF devient plus mature, la bande dessinée se fait parfois érotique, politique, elle s’affranchit du monde de l’enfance. A ce moment-là elle commence à intéresser le cinéma : des réalisateurs aux nouvelles ambitions artistiques aux Etats-Unis vont faire travailler, ou vont puiser directement dans l’œuvre de ces auteurs. On pense au projet avorté de Dune par Jodorowsky, puis à Alien (1979) de Ridley Scott.
La question spécifique de l’adaptation est un autre sujet très vaste. On pense récemment à Quai d’Orsay, au Transperceneige, à Lulu femme nue, à La Vie d’Adèle, aux Petits ruisseaux, des adaptations de qualité par des réalisateurs-auteurs, qui le plus souvent s’emparent d’un sujet, d’une trame. Pensons aussi, de l’autre côté, à la foison de super-héros du cinéma américain.
Le premier film de fiction notable, L’Arroseur arrosé, est l’adaptation d’une bande (il en existait une vingtaine de versions, dont la plus célèbre est celle de Christophe, l’auteur de La Famille Fenouillard). Les pionniers du dessin animé Emile Cohl, Winsor McCay, ont quant à eux animé leurs propres bandes dessinées. Puis tous les succès américains passeront à l’écran dans les années 10-20. Dans les années 30 c’est l’âge d’or des serials (Prince Vaillant, Flash Gordon, Superman…). Ce qui dicte ces adaptations ce sont les histoires, c’est-à-dire les fables. Dans les années 80-90 : une nouvelle ambition est donnée à ces adaptations (cf. la série des Batman).
Aujourd’hui Joann Sfar, Marjane Satrapi, Pascal Rabaté, Riad Sattouf, Jung Sik-jun adaptent leurs propres bandes dessinées en transposant leur univers au cinéma, avant de se lancer dans la prise de vue réelle.
On peut distinguer deux tendances dans l’adaptation : soit calquer un effet, trouver un équivalent visuel de la bande dessinée au cinéma (dans les choix chromatiques, le découpage), soit faire des choix pleinement cinématographiques. Par exemple, Le Transperceneige ne se réfère pas au dessin de Jean-Marc Rochette : le réalisateur a son univers propre, déjà développé.
Aujourd’hui la porosité entre ces images est de plus en plus grande. On assiste à une migration des formes et des techniques, avec le développement du numérique, de nouvelles stratégies marketing, le « transmédia » ou le « cross-media », ou encore le « 360° » : on assiste à l’émergence d’objets artistiques nouveaux qui ne relèvent pas de la simple déclinaison d’un univers sur plusieurs supports.
Tout ceci ouvre des perspectives larges pour un avenir passionnant !
Rencontre : Prima Linea, « agence graphique productrice de films »
Le producteur Christophe Jankovic revient sur l’histoire de Prima Linea Production en prenant appui sur le travail de différents artistes dont nous proposons une sélection (et dont on peut retrouver un aperçu des travaux sur le site www.primalinea.com).
Les travaux de commande
Prima Linea a connu une première période d’activité où il s’est agi de répondre à des commandes, avant tout dans le domaine de la publicité. La difficulté consistait à trouver des commandes qui mettaient en valeur le travail des auteurs.
Le cas s’est présenté pour Philippe Petit-Roulet et l’aventure de la Twingo. Ce fut l’une des premières fois qu’une campagne aussi importante que le lancement d’une voiture était confiée à un auteur graphique. La campagne comportait une série de films, des affiches… Paul Cox, illustrateur, affichiste a, un peu plus tard, créé des films et des affiches publicitaires pour Cegetel. Ted Benoit a quant à lui réalisé des animations pour Bic.
La dimension commerciale dans l’activité de ces auteurs n’était jamais prépondérante : ils exposaient, publiaient. La commande devait être ponctuelle. Pour autant, certaines campagnes ont « enfermé » leur auteur dans des « cases », ce fut le cas pour Philippe Petit-Roulet, que l’on a longtemps assimilé à son travail pour Twingo.
Des premiers pas dans l’animation…
Rapidement, l’idée de développer des projets en animation s’est imposée. Des investissements ont été faits pour acquérir du matériel. L’équipe de Prima Linea comme les auteurs ne « connaissaient rien à l’animation ». Ils se sont donc associés avec des animateurs de talents. Ces projets ont été financés grâce aux commandes de campagnes publicitaires. L’idée était de partir du graphisme de l’auteur pour expérimenter la ou les techniques adéquates.
Un projet de série télé courte a été développé, Schmock Planète (qui n’a jamais été diffusé faute de diffuseur). Avec Grégoire Solotareff, un projet de long métrage est lancé (qui plus tard est devenu U), mais les financeurs potentiels ont pointé le manque d’expérience de Prima Linea dans ce domaine. La société s’est donc tournée vers un projet plus modeste : l’adaptation de Loulou pour France 3. Pour le scénario, Grégoire Solotareff s’est associé à Jean-Luc Fromental et pour la réalisation, à Serge Elissalde. Ce projet a ensuite donné lieu à un programme pour le cinéma, Loulou et autres loups, incluant Loulou et quatre autres courts métrages.
… aux longs métrages pour le cinéma
U, nouvelle collaboration entre Grégoire Solotareff et Serge Elissalde a été le « premier vrai long métrage » de Prima Linea (2006). Le film résulte d’une approche très auteuriste (l’image est traitée au pinceau, graphiquement, il n’est pas d’un accès facile), mais a rencontré un vrai public d’enfants et d’adultes.
Dans la foulée, en 2008, Prima Linea produit Peurs du noir, une série de six courts métrages de Blutch, Charles Burns, Marie Caillou, Pierre di Sciullo, Lorenzo Mattotti, Richard McGuire. En noir et blanc, quasiment sans dialogues, et avec des techniques différentes pour chaque film, c’est un grand succès d’estime pour ce programme destiné aux adultes. Le film a fait le tour du monde et l’objet d’une exposition à la Cité internationale de la BD et de l’image animée.
Suit Zarafa (2012) collaboration entre Rémi Bezançon et Jean-Christophe Lie et enfin Loulou et l’incroyable secret, dont la sortie en salles est prévue le 18 décembre prochain. Premier film animé de façon traditionnelle pour Prima Linea sur écran-tablette. En parallèle, les décors sont réalisé pour moitié sur papier (lay-out au crayon et matières, volumes et ombres au lavis), pour moitié sur ordinateur (pour les couleurs). Un livre en forme de photo-roman est publié conjointement à la sortie du film par les éditions Rue de Sèvres.
Rencontre avec Mathieu Lauffray, concept designer
Au cours de cette rencontre, animée par Laurent Boileau, cinéaste et journaliste, Mathieu Lauffray a évoqué les spécificités de cette activité qui, en France, n’a pas d’existence juridique à proprement parler : « le réalisateur est aussi considéré comme directeur artistique. On lui demande de tout superviser. Il n’existe pas de poste juridique de directeur artistique. Aux Etats-Unis, les choses sont différentes (…) il y a une puissance de production phénoménale, énormément de moyens. Il en résulte une certaine forme d’uniformisation des concepts due à la vitesse d’exécution. Les mêmes équipes passent, dans un rythme effréné, d’un film à l’autre. »
Pour 10 000 de Roland Emmerich (2008), son premier film américain, Mathieu Lauffray a découvert un système de production très étonnant. « Je faisais partie de l’équipe déco. Trois scénaristes travaillaient sur le projet, et l’équipe d’effets spéciaux était déjà là à notre arrivée ». L’équipe déco était dépendante des comptes-rendus de la production sur les trois scénarios parallèles pour créer trois story-boards distincts. Mais les choix de tournage étaient faits en fonction de l’impact de chaque planche, même si elles venaient de scénarios différents ! Il revenait ensuite au réalisateur de dégager une synthèse de tout cela. Un vrai tour de force réalisé dans un flux tendu de production !
Christophe Gans, avec lequel Mathieu Lauffray a collaboré, lui a fait prendre conscience que l’essentiel est de faire percevoir l’émotion qui se dégage d’une image. Pour ce faire, il convient de cibler immédiatement dans quel registre on va se placer. Le choix des techniques et le degré de finition des images sont vastes et dépendent des sujets. « Le dessin stylise tout » : par exemple, le crayonné va évoquer la nervosité, ou un attachement à un certain classicisme. Ca n’est pas neutre (il serait aberrant de faire un crayonné pour Gravity). Pour y parvenir, il faut faire parler le réalisateur, c’est lui qui va apporter une émotion particulière au projet. Tous les éléments d’échange sont possibles (travail sur les couleurs, la musique, les cadrages…) pour cerner au plus près le regard du réalisateur. Nous on droit trouver les moyens qui l’aideront à l’exprimer.
Quant aux travaux de recherche préparatoires, ils sont là aussi dépendants du projet. Sur un film historique, la véracité peut passer par la fidélité historique aux décors, costumes etc. Si le film se concentre sur les personnages, l’environnement est là pour marquer les émotions. « Les réalisateurs ont des demandes pas forcément formulées mais qu’on comprend vite. »
Projection commentée : Anne Frank au pays du manga, BD documentaire interactive
Des journalistes partent au Japon pour comprendre comment l’histoire de cette adolescente reste un best-seller. Projection commentée par Alain Lewkowicz et Samuel Pott, co-auteurs.
Alain Lewkowicz et Samuel Pott reviennent sur l’origine d’Anne Frank au pays du manga et sur la spécificité de ce projet de webdocumentaire qui n’est « ni une BD, ni un film mais un objet multimédia dont chaque lecture peut être indépendante et où les sons, les ambiances changent la perception de l’histoire ».
Un des objectifs du projet était de questionner la perception qu’ont les Japonais de l’histoire de la seconde guerre mondiale. Au Japon, Anne Frank n’est que l’héroïne d’un roman extrêmement populaire. Aucun Japonais ne fait le lien avec la seconde guerre mondiale et le sort des Juifs. Pour comprendre cet état de fait, il faut être conscient du hiatus qui existe entre l’histoire écrite par les vainqueurs et celle écrite par les vaincus : « l’idée de départ était de leur faire admettre aux Japonais qu’ils étaient victimes du bombardement atomique mais qu’ils avaient été aussi jugés pour crime de guerre ». Alain Lewkowicz pensait « qu’on pouvait toujours créer des ponts entre les cultures, que le relativisme était dangereux ». D’où l’idée de partir au Japon pour créer des ponts dans la compréhension de l’histoire : « on s’est rendu compte qu’on s’était trompés ».
Pour mener à bien ce projet, le choix a été fait de jouer sur différents médias (BD, film, enregistrements sonores…) :
- Alain (Lewkowicz ), Vincent (Bourgeau) et Marc (Sainsauve), qui étaient sur place, devenaient ainsi des personnages.
- Le dessin et les sons permettaient de représenter des ambiances qui n’auraient jamais pu être filmées.
« C’est le fossé entre la façon dont les Japonais parlent de la Shoah leur ignorance de leur propre histoire qui nous a intéressés. »
Ateliers de reflexion
Atelier 1 – Livres-dvd, livres numériques ou enrichis. Editeurs et producteurs audiovisuels croisent les formes et les supports.
Atelier animé par Séverine Lebrun, adjointe à la programmation du Salon du livre et de la presse jeunesse de la Seine-Saint-Denis à Montreuil. En présence de Christophe Jankovic et d’Arnaud Demuynck.
Christophe Jankovic et Arnaud Demuynck sont revenus sur la création de leurs « maisons » : Prima Linea et les Films du Nord. Les mêmes mots ont été prononcés au cours de cet atelier : « goût du dessin, attachement aux auteurs ». La réflexion a également porté sur la façon dont une histoire peut vivre en dehors d’un film, à travers des exemples concrets de DVD-livres, livres numériques enrichis (Mémoire fossile, Par les fenêtres, Sous un coin de ciel bleu, produits par les Films du Nord ; Peurs du noir, L’Herbier des fées, Zarafa, produits par Prima Linea). Toutes les passerelles sont possibles entre les écrans et le livre. Il existe néanmoins une grammaire propre à chaque support et chaque nouvelle expérimentation permet de réinventer l’image et la narration
Atelier 2 – L’adaptation : de l’image fixe à l’image animée et à la prise de vue réelle.
Atelier animé par Laurent Boileau. En présence de Mathieu Auvray et Nicolas Duval.
L’atelier a pris pour point de départ Peter Pan de Régis Loisel, adapté par Nicolas Duval, et Jean-Michel le Caribou de Magali Le Huche, adapté par Mathieu Auvray. L’adaptation d’une bande dessinée doit-elle forcément passer par le cinéma d’animation ? Pas forcément. Mais lorsque c’est le cas, le choix de la technique compte (2D, 3D, pâte à modeler), en fonction du sujet, des compétences et des goûts. Un autre point a été abordé pendant l’atelier : la volonté de travailler en étroite collaboration avec l’auteur de l’œuvre originelle, lui être aussi fidèle possible à toutes les étapes, ou, à l’inverse, la recherche de l’émotion, quitte à prendre un chemin différent. La question de la fidélité et de la trahison de l’œuvre se pose. L’atelier s’est achevé par un exercice interactif surprise : une planche de BD peut-elle servir de story-board ?
Atelier 3 : Cinéma d’animation, bande dessinée, applications numériques : quelles passerelles ?
Atelier animé par Boris Henry, historien du cinéma et chroniqueur de bandes dessinées. En présence d’Alain Lewkowicz, Samuel Pott et Lisa Mandel.
Au cours de cet atelier, il a été question du choix d’un médium, ou d’un mode d’expression (pourquoi la bande dessinée, le cinéma, la radio ?) et du passage de l’un à l’autre, soit successivement, soit au sein d’une même œuvre.
Lisa Mandel a évoqué son passage de la bande dessinée au cinéma : « La BD est une évidence pour moi, je dessine depuis toute petite et je voulais raconter des histoires; j’en suis arrivée naturellement à faire des études d’art-déco illustration et BD. C’est ce que j’appelle un cinéma de poche.». Son passage au cinéma s’est fait dans un second temps. Elle y a découvert un travail collectif, où les compromis sont indispensables.
De son côté, Alain Lewkowicz, soviétologue de formation, a intégré France culture où il a réalisé des reportages sonores : « les images sonores sont plus excitantes que de filmer les gens ». Le projet Anne Frank au pays du manga lui a été proposé, et l’atelier a permis de revenir dans le détail sur la genèse de cette web-BD-documentaire, notamment sur le rôle de Samuel Pott qui intègre l’équipe alors qu’Arte désire orienter le projet vers une approche moins cinématographique : « On avait un champ en vidéo et le contre-champ dessiné, mais ça restait du film. » La question s’est donc posée de l’articulation entre l’écrit, le son et la vidéo, le journalisme, la création artistique, et la définition de cet objet hybride.
Plus largement, les liens entre la bande dessinée et le son (en particulier la parole) ont été envisagés par les trois intervenants.
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Cette édition des Journées professionnelles a été menée en partenariat avec Le fil des images, la Cité internationale de la bande dessinée et de l’image et Les Soeurs Lumières.