INITIATIVES CINÉMATOGRAPHIQUES EN DIRECTION DES ADOLESCENTS
> Ambassadeurs Lycéens Cinéphiles
> Paroles d’ados
> Toutes les clés pour créer un ciné-club
AMBASSADEURS LYCÉENS CINÉPHILES
Sylvain Chevreton, référent jeune public du cinéma Méliès, à Saint-Etienne
À l’initiative du cinéma le Méliès à Saint-Etienne, dans le cadre d’un appel à projet de la Région Rhône-Alpes, ce dispositif encourage les lycéens de l’agglomération stéphanoise à s’intéresser au cinéma d’art et d’essai. Recrutés sur concours, les ambassadeurs lycéens cinéphiles bénéficient d’un accès gratuit au Méliès et participent activement à la diffusion du cinéma d’auteur auprès de leurs camarades.
Quel rôle et quels avantages ?
En 2012, un appel à projets est lancé par le Méliès auprès des lycéens, des apprentis et des étudiants infirmiers de la région Rhône-Alpes pour développer l’utilisation de la carte M’ra qui leur permet de bénéficier d’un tarif à 1€ à chaque séance. Il s’agissait de recruter annuellement deux lycéens dans une quinzaine d’établissements (soit une trentaine de lycéens au total), des « ambassadeurs lycéens cinéphiles » qui bénéficieraient pendant un an d’entrées gratuites illimitées au Méliès, d’invitations à des avant-premières privées, et qui participeraient à des discussions avec l’équipe du Méliès.
En retour, la mission de ces ambassadeurs lycéens consisterait à faire connaître le Méliès autour d’eux et à en changer l’image peu attrayante chez les adolescents à travers diverses actions laissées à leur initiative : parler d’un film à leurs camarades, faire des interventions en classe, réaliser des panneaux d’affichage, projeter des bandes-annonces, proposer d’organiser des séances scolaires, écrire des critiques dans le journal du lycée…
Comment se passe la sélection des ambassadeurs ?
Les lycéens intéressés doivent envoyer un dossier de candidature en répondant à une série de questions sur les films qu’ils ont vus, sur leur usage de la VO… Il leur est également demandé de rédiger une critique de film. Le profil des élèves n’est pas déterminé à l’avance : il est essentiellement apprécié qu’ils fassent preuve de curiosité et qu’ils soient motivés à l’idée de partager leurs pratiques en matière de cinéma.
En général, c’est le référent de la carte M’ra dans les établissements qui relaie l’information, souvent le professeur documentaliste. Il est important de créer et de conserver des liens avec l’équipe enseignante qui est d’une aide précieuse pour entrer en contact avec les élèves. Les professeurs ont par ailleurs la possibilité de collaborer avec le Méliès à travers l’organisation de séances scolaires.
Comment Le Méliès accompagne-t-il ses ambassadeurs ?
Il s’agit de créer une relation de confiance. Les ambassadeurs, qui ont des profils très variés, sont invités pour la première fois au Méliès pendant les vacances scolaires de la Toussaint, autour d’un petit-déjeuner. Une visite des lieux leur est proposée et tous font connaissance. Ils sont ensuite invités à des sessions de prévisionnement en matinée, pendant les vacances scolaires. Au cours de ces matinées, ils discutent avec l'équipe du Méliès des films et de la programmation, et ils élisent chaque mois leur film Coup de Cœur qui sera programmé en soirée et annoncé grâce à une communication spécifique.
Quel impact sur la fréquentation ?
Sylvain Chevreton reconnaît qu’il est impossible de connaître l’impact de ce dispositif sur la fréquentation lycéenne du Méliès. L’objectif est que ces ambassadeurs deviennent des prescripteurs auprès de leurs camarades mais, dans les faits, le cinéma n’a pas les moyens de savoir ce qui a motivé l’utilisateur d’une carte M’ra à se déplacer. Il est en revanche certain que le projet fait parler du Méliès dans les établissements. Des amitiés cinéphiliques se sont nouées entre des lycéens et l’équipe du cinéma. Et d’anciens ambassadeurs peuvent devenir parrains : cela crée du lien, une dynamique autour du cinéma art et essai qui ne peut qu’être bénéfique.
Par ailleurs, pour créer une émulation entre les lycées, un trophée est remis chaque année à l’établissement dont les élèves ont utilisé le plus leur carte M’ra en caisse du cinéma. Une petite cérémonie est organisée que les établissements prennent très au sérieux !
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En savoir + :
La carte M’ra
Le Méliès de Saint-Etienne
PAROLES D'ADOS
Gihanne Besse, chargée de communication et des relations publiques au Théâtre du Garde-Chasse
Organisée en lien avec le Service jeunesse de la Ville des Lilas et l'Observatoire de la diversité culturelle (ODC), l’opération Paroles d'ados donne lieu à des séances de cinéma pour les adolescents, au Théâtre du Garde-Chasse des Lilas, pendant les vacances scolaires. Les jeunes choisissent le film et participent au débat qui suit la séance.
Le Théâtre du Garde-Chasse aux Lilas compte une salle de cinéma qui, après avoir fait partie de l’agglomération Est Ensemble, est redevenue municipale. Le désir de faire découvrir d’autres films que ceux vus habituellement par les adolescents dans les multiplexes a motivé le projet de Paroles d’ados. L’objectif est d’organiser trois séances par an de films de patrimoine ou d’actualité destinées aux adolescents de 12 à 15 ans.
Une sélection de films est proposée à un groupe de jeunes participants au projet. Ils doivent en retenir un, qui est alors projeté à l’occasion d’une séance publique au Théâtre du Garde-Chasse. Les premiers temps, le choix du film s’est fait à partir du visionnage des bandes-annonces. Or force est de constater que la présence de tel ou tel acteur dans le film, ou de moments drôles dans la bande-annonce, conditionnait leur vote. La proposition a donc évolué : les élèves n’ont eu accès qu’à la bande-son de la bande-annonce. Les résultats ont alors parfois été étonnants : un groupe a par exemple choisi Tour de France de Rachid Djaïdani parce qu’il a eu l’impression que le film traitait du racisme, de la lutte des classes. Quand ils ont pu voir la bande-annonce, la déconvenue a été totale : Depardieu n’était pas attractif du tout. Un autre groupe a choisi De toutes nos forces de Nils Tavernier et a été très satisfait de ce choix.
Pour chaque séance, rendez-vous est donné par les Services jeunesse de la ville des Lilas et d’autres communes de Seine-Saint-Denis (Pantin, Bondy, Clichy-sous-Bois, Le Pré-Saint-Gervais). Chaque groupe de cinq à six jeunes se rend au Théâtre du Garde-Chasse accompagné d’un animateur. En tout, une dizaine d’adolescents des Lilas participe à Paroles d’ados, une vingtaine vient voir les films sans participer au choix, et une dizaine vient des autres villes.
Le film choisi est projeté en séance publique et en présence d’un intervenant professionnel. Il est arrivé que des adolescents aient pris la parole pour présenter le dispositif et revenir sur la sélection. Des questions sont par ailleurs préparées en amont avec les animateurs pour pouvoir nourrir le débat.
Aux yeux de Gihane Besse le dispositif peut encore évoluer, avec l’envie de proposer un rôle plus concret encore aux adolescents, par exemple les charger d’animer le débat. Il ne faut toutefois pas perdre de vue que les participants sont encore relativement jeunes, c’est pourquoi cette idée ne semble pas applicable avant au moins un an, quand l’expérience permettra aux adultes accompagnateurs de mieux encadrer les participants.
L’impact sur la fréquentation de la salle par le public adolescent est nul car cette tranche d’âge ne vient pas spontanément au Théâtre du Garde-Chasse qui reste un cinéma « scolaire », où l’on se rend dans le cadre des dispositifs d’éducation à l’image. L’enjeu du projet se situe ailleurs : donner la parole à des jeunes gens et les faire argumenter.
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TOUTES LES CLÉS POUR CRÉER UN CINÉ-CLUB
William Le Nindre et Camellia Tezeni, actuellement étudiants, ont participé au dispositif Toutes les clés pour créer un ciné-club lorsqu’ils étaient lycéens.
Ce dispositif initié par la Région Île-de-France a accompagné de 2011 à 2015 des lycéens dans leur projet de ciné-club. Cette action, coordonnée par le Forum des Images, concernait chaque année 50 établissements répartis sur les 8 départements d’Île-de-France.
Ce dispositif visait à donner à une centaine de lycéens par an les outils pour devenir autonomes dans la création et l’animation de leurs ciné-clubs. Dans ce but, les élèves sélectionnés bénéficiaient d’une formation de quatre jours au Forum des Images, pendant les vacances de la Toussaint. Dans ce cadre, ils étaient sensibilisés à l’histoire du cinéma et des ciné-clubs, abordaient des questions de droit et de technique, s’interrogeaient sur l’importance de bien communiquer sur un événement et participaient à des ateliers de programmation.
William Le Nindre et Camellia Tezeni ont tous deux salué la qualité de cette formation et l’importance qu’elle a eue ensuite lorsqu’ils ont eux-mêmes créé ou repris un ciné-club lycéen.
Concrètement, ils ont pu mesurer l’importance du débat après la projection d’un film et nombreux sont ceux qui ont convié des professionnels pour s’entretenir avec le public. William Le Nindre se rappelle par exemple avoir reçu les décorateurs de Camille redouble de Noémie Lvovski.
Pour les épauler, ces lycéens n’ont pas hésité à faire appel à des camarades compétents dans divers domaines : mettre à contribution les élèves en art pour créer des affiches, solliciter des élèves en hôtellerie pour préparer un buffet... Bref, ils ont été sensibilisés à l’idée qu’un projet culturel doit être envisagé dans sa globalité, de la programmation à la mise en place technique, en passant par la communication.
La question de la programmation demeure néanmoins cruciale et sensible, surtout quand il s’agit de faire découvrir aux autres des films un peu différents de ceux vus par la grande majorité : faut-il faire des propositions radicales ou au contraire s’en tenir à des titres connus ? Camellia Tezeni a expliqué avoir opté pour une première séance « mise en confiance » avec un film de Tim Burton, laquelle a réuni une cinquantaine de spectateurs. « Pour les premières séances, on a programmé des films grand public. On faisait des propositions aux spectateurs. On a été de plus en plus nombreux grâce aux débats. ». Le fait de donner la parole après un film, d’ouvrir un espace de discussion, semble être une pratique très appréciée quand le débat est bien préparé et donne au film une valeur autre que celle d’un simple divertissement : « On a fait beaucoup d’efforts pour les débats, par exemple en proposant une approche philosophique de Mad Max ».
Parfois, des choix qui semblaient risqués ont payé : « Je pensais avoir fait une bêtise en programmant Two years a slave en début d’année. C’est un film très dur, qui traite d’un sujet sensible. Il y a beaucoup de diversité dans le lycée et on pensait que le film allait poser problème. Mais non, on a beaucoup parlé de la séance et durant le débat. C’est bien de passer un premier film choc. »
Pour qu’un ciné-club soit accepté et surtout perçu comme légitime par les lycéens, il semble particulièrement important qu’il relève de la responsabilité des élèves et que les spectateurs soient impliqués d’une façon ou d’une autre : « Auparavant il existait un mini-ciné-club animé par un professeur, qui attirait trois ou quatre personnes. Quand le ciné-club a été pris en main directement par les élèves, on s’est retrouvé avec une cinquantaine de spectateurs. Ce sont les spectateurs qui choisissaient le film, ou plutôt on leur faisait croire que c’était eux qui choisissaient, et le débat se lançait tout seul ou presque » a expliqué Camellia Tezeni.
Écoutez Camellia Tezeni revenir sur le succès du ciné-club organisé dans son lycée
Quelle influence peut avoir ce genre de ciné-club au sein des établissements sur la fréquentation en salles ?
William Le Nindre a précisé que Le Forum des Images invitait les élèves participant au dispositif à des festivals ou à découvrir des films. « Je notais ces propositions. Cela m’aidait dans la programmation ». Quant à Camellia Tezeni, elle a déclaré : « Avant je n’aimais pas le cinéma français. Maintenant je ne regarde presque plus que ça. Grâce au dispositif, il nous était possible d’aller au Forum des Images quand on le souhaitait. Ça m’a ouvert des horizons. » Un groupe d’amis s’est créé pour aller voir des films au cinéma. Le cercle s’est élargi : « ensemble on est allé voir Timbuktu, ça a changé notre vision du cinéma. On va voir des documentaires. Le ciné-club a changé notre vision du cinéma. On nous poussait à voir d’autres films. »