MERCREDI 4 NOV - PRÉSENTATION DE TUMO
- APRÈS-MIDI (14H – 15H30)
Enfants et adolescents, nouvelles pratiques, nouveaux usages
PRÉSENTATION
TUMO, école gratuite de création numérique pour les 12-18 ans
par Lily Candalh-Touta, coordinatrice des activités pour les adolescents et formations adultes, et Lauraine Dufour-Videloup, coordinatrice pédagogique TUMO Paris
Présentation animée par Xavier Grizon, chargé de mission actions éducatives à Cinémas 93
Depuis septembre 2018, TUMO Paris, première école de création numérique gratuite en France, propose un accompagnement personnalisé pour les 12-18 ans hors temps scolaire, avec des cursus alternant différents formats d’apprentissage, dans une démarche d’inclusion et de mixité sociale. Cette présentation est l’occasion d’aborder la question des liens entre le temps scolaire et le hors temps scolaire, de l’équilibre entre accompagnement et autonomie et de la place des nouvelles technologies dans une démarche créative et collaborative.
Xavier Grizon introduit le second temps de cette journée dédiée à l’éducation aux images tournée vers les enfants et adolescents : un temps d’échange consacré à TUMO, école gratuite de création numérique pour les 12-18 ans. Il lui a semblé pertinent de situer cette présentation dans la continuité de la réflexion sur la question de l’attention menée par Yves Citton. En effet celui-ci parle beaucoup de la nécessité de réadapter nos modes d’apprentissage : aujourd’hui, le savoir ne peut plus se transmettre de façon univoque et verticale.
Lily Candalh-Touta évoque la naissance de TUMO Paris. TUMO est un projet qui est né à Erevan, en Arménie, avec un premier centre ouvert il y a une dizaine d’années. D’autres centres ont ensuite été créés en Arménie et à l’international : le premier à Paris, en 2018, puis à Beyrouth, et tout récemment à Berlin et à Moscou.
TUMO Paris est situé au Forum des Images, un lieu en parfaite cohérence avec le projet TUMO, en ce qu’il valorise la même approche pluridisciplinaire de l’image en mouvement.
Lauraine Dufour-Videloup précise : l’école est entièrement gratuite, ouverte aux ados de 12 à 18 ans sans aucun prérequis : on y entre parce qu’on a l’envie de découvrir des technologies artistiques numériques et de rencontrer d'autres adolescents intéressés par la création. L’école accueille les étudiants à raison de 3 heures par semaine chacun.
Durant la formation, les groupes se forment non pas en fonction des âges, mais des goûts et des projets des uns et des autres. Les étudiants passent d’abord par un premier format d’apprentissage, l’autoformation, puis ils se dirigent progressivement vers les labs (ateliers), second format d'apprentissage qui se déroule sur 5 semaines en petits groupes. Là, ils travaillent à la réalisation d’un projet individuel ou collectif.
Lily Candalh-Touta évoque les huit spécialités proposées par l’école : programmation, animation, dessin, graphisme, jeu vidéo, modélisation 3D, cinéma et musique assistée par ordinateur. L’apprentissage passe avant tout par la pratique, sans délier le “faire” de la question du “voir”, puisque chaque adolescent est invité à découvrir de nombreuses références (jeux, films, morceaux de musique, agences, studios…) qui lui sont proposées tout au long de son cursus et avec lesquelles il peut faire dialoguer ses créations.
© TUMO Paris - Le Forum des Images
Chacune de ces spécialités se structure en trois niveaux, qui conduisent les étudiants à l’acquisition de connaissances spécifiques. De niveau en niveau, on va vers davantage d’interdisciplinarité.
Lauraine Dufour-Videloup commente un tableau montrant la progression des apprentissages proposés dans chacune des disciplines. Chaque niveau se concrétise par la réalisation d’un projet, jusqu’au projet final du troisième niveau, dernière étape du parcours d’apprentissage de l’étudiant.
Par exemple, le troisième niveau de la spécialité « jeu vidéo » invite les étudiants à créer en équipe un jeu 2D ou 3D entièrement jouable, qui mobilise à la fois leurs précédents acquis en jeu vidéo, mais aussi les compétences transverses cultivées en parallèle dans d’autres disciplines.
En cinéma, ils réalisent un long plan séquence, pour le tournage duquel ils sont assistés par l’ensemble de l’équipe pédagogique. En animation, ils produisent 30 secondes d’un film en 2D. En modélisation, ils apprennent à animer leur environnement 3D, après avoir commencé par le modéliser, le texturer et l’éclairer.
À travers ce parcours, des outils sont acquis : non seulement les logiciels, mais surtout les langages spécifiques à chaque discipline.
La durée de la formation dépend du rythme de chaque étudiant. En moyenne, on peut venir à bout de trois disciplines en deux ans, mais ceci est relatif à chacun.
Xavier Grizon demande si ces formations sont accessibles à des groupes encadrés par des éducateurs.
Lily Candalh-Touta répond. Dès le lancement de TUMO Paris, des ateliers d’initiation (pour 3 disciplines : animation, design graphique et jeu vidéo) ont été mis en place à destination des groupes scolaires et des publics du champ social accompagnés par les enseignants et les partenaires associatifs de TUMO... Ces ateliers d’initiation d’une durée de 2 heures constituent une possible porte d’entrée pour s’inscrire en individuel à TUMO, à l'initiative cette fois des jeunes étudiants.
Des projets sont également développés avec des collèges parisiens, sur le temps scolaire et le hors temps scolaire, incluant par exemple des Masterlabs durant les vacances scolaires. À ce sujet, les idées et les envies existent, mais ne sont pas encore toutes développées.
Xavier Grizon demande quel est le profil socioculturel des jeunes qui viennent à TUMO.
Lily Candalh-Touta souligne que l’école a de forts objectifs de parité filles-garçons et de mixité sociale. Actuellement l’école reçoit 42% de filles et 42% d’étudiants issus de quartiers Politique de la Ville. Le Forum des Halles, de par sa position stratégique, peut accueillir des jeunes de toute l’Île-de-France, pas seulement de Paris et de la petite couronne. Ainsi, les adolescents peuvent se rencontrer à TUMO Paris, au-delà des frontières sociales et des stéréotypes de genres. Une recherche de publics active a été mise en place depuis l’ouverture en 2018 pour favoriser cette mixité sociale et cette parité.
Lauraine Dufour-Videloup ajoute que les relations adultes / étudiants cultivées à TUMO Paris participent également de ces objectifs de parité et mixité sociale. En effet, les étudiants sont invités à fréquenter différentes figures pédagogiques, dont les rôles et les personnalités sont distincts et divers. Les étudiants rencontrent d'abord les animateurs qui encadrent la formation. Chaque étudiant a un animateur dédié, qui veille à son assiduité et le conseille, sans faire les choses à sa place. Ces 11 animateurs sont pour la plupart issus des métiers de l’audiovisuel et de l’animation. Puis, dans les Labs, les étudiants rencontrent les formateurs, qui eux, travaillent à mi-temps et sont au nombre de 16 (2 par discipline). La plupart sont des professionnels de la discipline dans laquelle ils interviennent. Leur rôle est de façonner la pédagogie mise en œuvre dans l’école et de corriger de manière bienveillante les exercices faits en autoformation, ceci toujours en lien avec la pédagogie de TUMO telle qu’elle s’est construite initialement au centre d’Erevan. Cette dimension d’ouverture et de rencontre incarnée par la diversité des étudiants et portée par l’équipe pédagogique est très importante.
Lily Candalh-Touta détaille le parcours pédagogique d’un étudiant arrivant à TUMO. Le parcours commence par une phase d’orientation (les modules d’autoformation pour les 8 disciplines). En fonction de leurs intérêts, les étudiants choisissent 3 spécialités parmi les 8 proposées, ce qui génère un parcours proposant des activités en autoformation puis en lab. Les étudiants ont chacun un compte personnalisé qui se met à jour en fonction de l’avancement de leur parcours. Les animateurs les accompagnent dans cette progression.
Il y a autant de parcours que d’étudiants, ajoute Lauraine Dufour-Videloup. On peut parler d’une progression « gamifiée » des apprentissages. Les étudiants valident leurs niveaux d’apprentissage dans les 3 disciplines sélectionnées, en allant et venant de l’autoformation (exercices via des applications en ligne, sur 3 niveaux de difficultés croissants) aux labs (projet précis à réaliser sur un logiciel professionnel pour fixer les acquis, sur trois niveaux également).
L’école propose un troisième format d’apprentissage, les Masterlabs, qui sont des stages intensifs optionnels qui ont lieu hors cursus, pendant les vacances. Ces stages proposent aux étudiants d’explorer plus profondément chaque discipline mais aussi d’en ouvrir le champ, dans l’objectif de faire se rencontrer les disciplines.
Xavier Grizon demande si le nombre d’étudiants pouvant être accueillis par l’école est limité.
© TUMO Paris - Le Forum des Images
Lauraine Dufour-Videloup répond. TUMO peut accueillir 1500 étudiants par semaine, sur 8 créneaux d’ouverture de 3 heures. Les étudiants peuvent arriver à tout moment de l’année. Des réunions d’intégration jalonnent ainsi les 3 trimestres de l’année scolaire. Les inscriptions se font sur le site internet de l’école via une candidature simple, et les étudiants sont ensuite accueillis en fonction des places qui se libèrent, selon un système de roulement.
Yves Citton intervient, s’interrogeant sur la question des formats. Tout au long de leur parcours, les étudiants se retrouvent en autoformation, dans des formats d’apprentissage, pour finalement réaliser un travail dans un format donné. Dans sa pédagogie, l’école les invite-t-elle aussi à se « déformater » ?
Lauraine Dufour-Videloup précise que dans la pédagogie définie à TUMO Erevan, l’idée est d'interpeller d’abord l’étudiant sur les formes qu’il connaît, pour l’accompagner à sortir “mine de rien” de sa zone de confort. Progressivement, la formation lui montre comment ce goût initial peut être enrichi par la découverte d’autres manières de faire.
Xavier Grizon relaye des interrogations sur les possibilités de créer TUMO dans d’autres villes.
Lily Candalh-Touta et Lauraine Dufour-Videloup répondent. Le centre TUMO du Forum des Images a ouvert avec le soutien de la Ville de Paris. D’autres ouvertures sont étudiées, car l’objectif est de faire profiter le maximum d’adolescents de cet apprentissage. Mais cela se fait nécessairement en lien avec les créateurs de ce modèle pédagogique à Erevan.
Xavier Grizon souligne que l’enseignement de TUMO propose un apprentissage de compétences et pas seulement de connaissances. L’école ouvre-t-elle sur un diplôme qui pourrait être reconnu ?
TUMO est une école non diplômante, répond Lauraine Dufour-Videloup. Dans le domaine du numérique, plus que des diplômes, l’important est de pouvoir montrer ce qu’on sait faire. L’école fournit une attestation de passage aux étudiants qui le souhaitent. Par ailleurs, il est question actuellement de proposer aux étudiants de TUMO Paris un accompagnement dans la découverte des possibles en matière d’orientation artistique du numérique. Qu’il s’agisse de faire connaître les offres de formations (lycées spécialisées, voies professionnelles post bac) ou de proposer des éclairages et perspectives sur les secteurs d’activités, il existe une forte demande de la part des étudiants et de leurs familles. Cela paraît très important pour TUMO Paris d’y répondre.
Lily Candalh-Touta conclut. Le Forum des Images étant actuellement fermé, l’enseignement dispensé à TUMO est réorganisé à distance pour qu’il n’y ait pas d’interruption pendant les périodes de confinement. Au printemps dernier, cela a été mis en place pour les modules d’autoformation et les Masterlabs. Pour ce deuxième confinement, c’est l’ensemble du parcours pédagogique (y compris les labs) qui va être proposé à distance.
Lauraine Dufour-Videloup précise les conditions du déroulement de ces labs à distance. Les étudiants vont pouvoir y assister durant des plages de 2 heures, et auront entre deux sessions de labs un travail à réaliser. Cela permet de créer une continuité dans leur parcours.
Pendant les temps de visio-conférence, l’accent est mis sur le partage des travaux réalisés par les uns et les autres. Cela permet, paradoxalement, de démultiplier les possibilités d’échange.
Le défi des ateliers à distance est d’accompagner les étudiants dans des démarches plus autonomes, qui peuvent être enrichissantes pour leurs formations – même s’il est certain que ce format accroît les risques de décrochage, notamment chez les jeunes qui n’ont pas le matériel informatique suffisant. Des partenariats sont actuellement en réflexion pour permettre à ces derniers de bénéficier d’ordinateurs.