JPRO2023 / Après-midi 8 mars - Discussion
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Après-midi du 8 mars - Du public aux publics
Comment nourrir des publics conviviaux et engagés ?
Coralie Flizot, pour le collectif Synaps, créé en 2007 à la Parole Errante, à Montreuil (Seine-Saint-Denis), tient pour sa part à soutenir des projets qui expérimentent « en dehors des sentiers battus », défendant le partage et l’auto-organisation. Synaps met ainsi à disposition ses ressources, qu’il s’agisse de caméras, micros ou d’une salle de montage ou de post-production.
Yannick pour le Cinéma Voyageur, né de l’envie de partager des films hors des contextes standard. C’est l’idée d’un « cinéma libre et ambulant posant ses bagages ici ou là pour proposer une programmation qui émerveille, gratte et chatouille ». Les auteurs des films projetés défendent leur libre diffusion, sans copyright ou sous licence libre, préférant s’en remettre à une économie du don plutôt qu’aux subventions publiques.
Actif dans l’animation socioculturelle de Villetaneuse (Seine-Saint-Denis) et ses quartiers environnants depuis 2012, L’Autre Champ témoigne d’une expérience certes différente mais qui devrait partager avec les deux autres le goût de la rencontre et de l’indépendance. Le collectif, présenté par Samuel Lehoux, organise d’une part un volet cinéma à travers des cycles de projections et des ateliers, et d’autre part le développement de pratiques agro-écologiques. Chacun de ces deux « terreaux » d’action participe d’une même perspective : l’émancipation individuelle et l’implication collective des publics.
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Pour prolonger la réflexion autour des « sous-communs », Xavier Grizon et Jacopo Rasmi ont convié des collectifs auto-organisés : Synaps, Le Cinéma Voyageur, L’Autre Champ, qui sont chacun à leur manière des formes de « sous-communs ».
A/ Synaps
Coralie Flizot présente le collectif audiovisuel Synaps, né en 2007 à Arcueil à l’initiative d’un groupe d’étudiants. À l’époque, ces derniers avaient décidé de s’associer dans le but de produire un film. Depuis, le collectif a déménagé à Montreuil dans les locaux de la Parole Errante, autour d’un noyau dur d’une quinzaine de personnes. Une seule personne de l’équipe est salariée. Synaps compte aujourd’hui des adhérents dans toute la France, particulièrement en Aveyron où une partie du collectif de la période d’Arcueil s’est installée. Cet éclatement géographique n’est pas toujours simple à gérer. Des résidences « production et diffusion » sont régulièrement organisées pour rassembler les adhérents et discuter des projets en cours. Les films produits par Synaps comptent systématiquement un référent (autre que le réalisateur ou la réalisatrice) dont le rôle est de faire le lien entre la production et le collectif.
Le collectif compte quatre pôles d’activité :
> Un parc matériel constitué au fil des ans, composé de matériel de tournage et de post production (une salle de montage et une salle d’étalonnage), qui sert à fabriquer les films du collectif. Il est mis à disposition à prix libre pour d’autres projets, ce qui permet de réinvestir un peu d’argent dans le renouvellement du parc.
> La production de films : les films Synaps sont en majorité autoproduits car le statut associatif du collectif ne lui permet pas d’accéder aux guichets institutionnels, notamment ceux du CNC. Forces humaines et matérielles sont donc mutualisées pour concrétiser les projets, appartenant pour la plupart au genre documentaire.
> La diffusion de films : le Cinéma Voyageur est le bras de diffusion de Synaps, dont il est une partie intégrante. Son fonctionnement implique cependant une organisation spécifique. Lorsqu’ils ne sont pas diffusés dans le circuit traditionnel des festivals, les films produits par Synaps trouvent par le Cinéma Voyageur un moyen de rencontrer d’autres publics.
> L’édition de DVD, activité développée plus tardivement. Synaps édite ses propres films mais également des films issus de la programmation du Cinéma Voyageur, fruits de coups de cœur ou de rencontres. Une attention particulière est portée à la fabrication de ces DVD, conçus comme de beaux objets.
B/ Le Cinéma Voyageur
Yannick, coordinateur principal du Cinéma Voyageur, revient sur la spécificité de ce dispositif de cinéma itinérant à la croisée de différentes pratiques et sous-cultures. L’esprit qui l’anime est inspiré par la culture punk, militante, et le spectacle vivant. De même que les DVD de Synaps sont conçus comme des CD, les tournées du Cinéma Voyageur ressemblent à des tournées musicales, dotées de leur décorum. Quinze à vingt bénévoles parcourent la France avec un camion et une caravane, et mettent en place des projections dans les lieux qui les accueillent, principalement en milieu rural. L’équipe dispose d’un barnum d’une vingtaine de places qui permet de faire des avant-soirées, plutôt tournées vers le jeune public. Après un repas partagé avec les habitants, une séance nocturne a lieu en plein air.
Une soirée représente environ cinq heures de programmation. Un catalogue de 500 films a été élaboré au fil des ans : les films produits par Synaps, mais pas seulement. Ce sont des films libres de droits, dont l’année de production n’entre pas en considération : contrairement à ce qui se pratique dans les festivals traditionnels, les œuvres n’ont pas de date de péremption. Le dispositif défend ainsi une certaine idée de la durabilité. Une seule ligne éditoriale : que les films donnent envie à l’équipe de monter un chapiteau pour les montrer.
Pour la publicité et la médiation, le dispositif s’appuie sur les réseaux associatifs locaux. Il fonctionne sur le bénévolat, sans subvention. Les repas donnent parfois lieu à des recettes, souvent partagées avec les localités. Une participation libre est proposée à la sortie des projections. La volonté d’être accessible prime : il s’agit de concevoir des moments conviviaux en prise avec l’espace public, tout en proposant au public de sortir de sa zone de confort. D’ailleurs le public vient davantage pour le concept que pour les films, qui lui sont en général inconnus.
Un film du catalogue du Cinéma Voyageur est projeté : Sikitiko, la main du roi de Pieter de Vos.
C/ L’Autre Champ
Samuel Lehoux présente L’Autre Champ, un autre dispositif animé par un esprit de partage et d’attention à l’autre. Ce collectif basé à Villetaneuse (Seine-Saint-Denis) a été créé en 2012 par des gens qui aimaient le jardinage et les films. C’est ce qui fait son identité singulière, à la croisée entre l’agro-écologie et le cinéma – deux pratiques perçues comme des manières de faire ensemble, vecteurs d’émancipation et de réappropriation dans des espaces urbains particulièrement denses. « L’autre champ », c’est à la fois le champ des jardins partagés et celui du cinéma.
Le collectif a mis en place des ateliers de création audiovisuelle aboutissant à la réalisation de films collectifs, nourris par le partage d’expériences. L’idée n’est pas de faire pour, mais avec les habitants, en leur offrant la possibilité de s’approprier les outils de création.
L’Autre Champ a créé un web media, Villetalocale, où sont diffusées les différentes créations du collectif. À cela s’ajoutent des projections organisées à la médiathèque de Villetaneuse.
Le caractère hybride du dispositif, qui fait son originalité, pose des difficultés lorsqu’il s’agit de chercher des financements dans le milieu audiovisuel : le collectif se voit en effet souvent renvoyé au champ social et peine à affirmer son identité dans un secteur culturel souvent fermé sur ses habitudes.
Un film réalisé dans le cadre d’un atelier conduit par L’Autre Champ, Enquête sur le bonheur à Villetaneuse, est projeté.