TROIS EXPÉRIENCES INNOVANTES
Présentation par Ludovic Blanchard, coordinateur pour l’association 1.9.3 Soleil!, Cécile Martino, éducatrice à la nouvelle crèche Maryse Bastié de Romainville, Laurent Duret, producteur de l’application La grande histoire d’un petit trait, Peggy Hartmann est réalisatrice et médiatrice culturelle, Christelle Regnier est intervenante pour l’association Et si les images...
> L’accompagnement des professionnels par l’association 1.9.3 Soleil! : un pôle ressource en matière de spectacle vivant pour les tout-petits
> L’application Grande histoire d’un petit trait : un conte poétique et interactif où vous dessinez pour donner vie au récit
> L’incertain destin d’Amélie Pranltrin : un jeu de plateau grandeur nature imaginé par l’association Et si les images...
L’accompagnement des professionnels par l’association 1.9.3 Soleil! : un pôle ressource en matière de spectacle vivant pour les tout-petits
Ludovic Blanchard présente l’association 1.9.3 Soleil! qui organise depuis 10 ans un festival dans des théâtres, parcs et crèches. 1.9.3 Soleil! propose également un parcours de sensibilisation des professionnels de la petite enfance à l'accompagnement des tout-petits au spectacle vivant. Enfin, elle conseille et accompagne des spectacles de qualité dans des crèches (départementales et autres) sous la forme d’un dispositif en trois temps : sensibilisation des équipes en amont, présence lors de la représentation et bilan quelques jours après la représentation.
L’un des enjeux du festival est de sensibiliser le personnel des crèches à l’accueil des jeunes enfants lors d’un spectacle. Lors de la dernière édition, une journée professionnelle autour de « l’enfant, l’art et la nature » a été organisée pour pointer du doigt le déficit de nature dans l’environnement immédiat des plus jeunes. En 2016, c’est le thème du jeu avec les éléments naturels qui a été proposé à partir des propositions de différents artistes.
Ces spectacles sont conçus pour la tranche d’âge 0-4 ans mais aussi pour les adultes qui doivent se sentir concernés, sur le plan sensoriel et non pas intellectuel. Dans un second temps, c’est la dimension de participation qui est recherchée à travers un parcours ludique et sensoriel dans le décor du spectacle ou dans un espace attenant. Dans le cas de Sococoon, le spectacle est totalement immersif : on entre véritablement dans la proposition artistique avec la mise en scène d’un espace ludique.
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En savoir + :
Xavier Grizon : Cette dimension de participation paraît davantage exploitée aujourd’hui. Existe-t-elle depuis toujours ?
Pour Ludovic Blanchard, le manque de recul empêche d’envisager cette question sur une période longue. Mais les expérimentations évoquées sont menées avant les représentations dans les théâtres : elles répondent au besoin des artistes d’être au contact des enfants et de ce qu’ils peuvent leur proposer. Les parents qui font suivre leurs enfants en PMI ou qui fréquentent les centres sociaux n’ont pas l’habitude d’aller au spectacle. Il arrive même que le simple fait de présenter ces propositions précisément comme des spectacles crée une barrière, et ce sont les enfants qui vont la briser.
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En savoir + :
Cécile Martino travaille au sein de la crèche Maryse Bastié qui remplace l’ancienne crèche Youri Gagarine. Lorsque le nouveau projet de la crèche a été défini, un véritable projet sensoriel y a été intégré. Inspirée par une intervention proposée par 1.9.3. Soleil! autour du spectacle Sococoon, l’équipe a orienté l’aménagement de différents lieux selon des principes de stimulation et de repos, entre apaisement et éveil.
© Sococoon – 1,9,3 Soleil !
L’espace de vie des bébés comporte plusieurs espaces aménagés autour de différentes matières, couleurs et contrastes (certains accessoires comme les coussins sensoriels ont même été fabriqués par le personnel de la crèche). Un chemin conduit à un « espace cocooning » matérialisé par une tente.
En crèche, les enfants sont confrontés à de fortes stimulations émotionnelles produites par la séparation autant que par l’éclairage artificiel, le bruit, le mouvement. La crèche Maryse Barbier accueille 70 enfants : cette réalité est source de tensions, de conflits, de gestes agressifs…
Pour les plus grands, l’équipe a pensé l’aménagement de l’espace dans un lien avec l’image, dans la continuité de l’approche Snoezelen développée aux Pays-Bas dans les années soixante-dix. L’objectif initial de cette méthode était de faire entrer les personnes en situation de handicap en contact avec les autres à travers le prisme du « sensoriel ». Plus généralement on a constaté les effets d’apaisement procurés par cette approche.
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En savoir + :
Au sein de la crèche, un espace a été aménagé à l’extérieur des salles de vie pour accueillir ponctuellement un ou deux enfants accompagnés d’un adulte. L’espace, plongé dans le noir, permet des stimulations visuelles et sensorielles : une tente noire y a été installée avec un projecteur à huile, un projecteur d’aurore boréale, une colonne à bulles, des jeux en bois, différentes matières à toucher (sable, eau, paillettes, grelots…), un tableau lumineux à intensité variable, des balles lumineuses… L’enfant y est acteur car il peut manipuler les objets.
Un budget spécifique a été alloué par le Département de la Seine-Saint-Denis à cet aménagement car le matériel est assez onéreux.
L’application Grande histoire d’un petit trait : un conte poétique et interactif où vous dessinez pour donner vie au récit
© La grande histoire d’un petit trait
La grande histoire d’un petit trait raconte comment un petit garçon devient dessinateur grâce à son ami : un petit morceau de trait rouge qu’il trouve un jour au bord d’un chemin. L’application a été imaginée par Bachibouzouk et l’histoire écrite par Serge Bloch, aujourd’hui célèbre dessinateur. Le scénario interactif explore le récit de Serge Bloch et propose en 20 chapitres un récit vivant et plein de magie. Dans ce conte, l’enfant est à la fois lecteur ET dessinateur. En donnant vie aux dessins, il donne vie à l'histoire !
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En savoir + :
La grande histoire d’un petit trait
La création de l’application La grande histoire d’un petit trait a été conçue à partir du court métrage Moi j’attends produit par les Films d’ici, lui-même adapté de l’ouvrage de Davide Cali et Serge Bloch (Éditions Sarbacane). L’enjeu était d’intégrer des couches d’interaction à partir du court métrage : il fallait concevoir une application où les choix soient multiples et où le dessin fait par l’utilisateur soit pleinement intégré dans l’histoire.
Regarder un extrait du court métrage Moi j’attends
Avec les enfants, il est inutile d’expliquer comment utiliser l’application, en revanche cela devient indispensable avec les parents et plus encore avec les grands-parents ! Dans le mode tutoriel, on traverse simplement plusieurs étapes où le dessin devient de plus en plus compliqué et où chacune d’elles va engendrer de la narration (sachant qu’il est toujours possible de gommer : cela fait partie de l’acte de dessiner). C’est précisément l’animation du dessin tracé par l’animateur qui est source de plaisir. Au fil de la narration, le personnage de l’enfant grandit et il se passe de plus en plus de choses à l’écran.
L’application implique et éveille l’enfant qui s’en empare parce que le dessin évolue. On peut aussi l’utiliser sans modèle de dessin, en mode totalement libre. C’est un hymne au dessin qui réfléchit à de nouveaux modes de narration. Or il faut réfléchir autrement si l’on veut raconter des histoires au plus grand nombre.
Les sources de financements sont publiques : le CNC et France Télévision qui a acheté le court métrage. L’enjeu le plus important est de réussir à se faire connaître. Cela passe par un travail de community management mais aussi par un appel à financement participatif. L’application est largement utilisée en bibliothèques. Aujourd’hui plus personne n’achète d’application : on fonctionne désormais sur le modèle de la gratuité. Il faut donc réfléchir à des modèles alternatifs. En Allemagne, une marque de fournitures de dessin a décidé d’offrir l’application à ses clients.
L’application Grande histoire d’un petit trait est gratuite et disponible en sept langues sur App Store et Google Play.
L’incertain destin d’Amélie Pranltrin : un jeu de plateau grandeur nature imaginé par l’association Et si les images...
L’incertain destin d’Amélie Pranltrin permet de prendre conscience de l’importance du montage dans la structure narrative. Le principe du jeu est simple : il s’agit de faire un montage aléatoire à partir de plans déjà tournés. Chaque plan correspond à un chiffre qui est déterminé par le lancer d’un dé. On ajoute donc un nouveau plan à chaque nouveau lancer jusqu’au plan final où le personnage principal, Amélie, prend le train (dernier plan du film). Une fois le montage image effectué, il s’agit pour les participants de créer une bande-son à partir d’une mallette à bruitage remplie d’accessoires. La bande son est intégrée aux images et le film prêt à être visionné. C’est un véritable travail d’équipe !
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Xavier Grizon : Comment êtes-vous arrivées à concevoir un atelier plutôt ludique où la création en tant que telle n’est pas si importante ?
Peggy Hartmann relate l’envie initiale de revenir sur un aspect technique du cinéma (le montage, le son, le bruitage, le rôle du clap) en passant par le jeu. Par ailleurs il fallait que cette approche soit collective et s’inscrive dans le cadre d’une activité d’éveil. En introduction à l’atelier, Peggy Hartmann projette son « propre » film sur le personnage d’Amélie, réalisé de façon totalement amateure. Cela lui permet de désamorcer l’appréhension des participants qui pensent qu’ils pourront toujours faire mieux qu’elle ! La décision de participer au jeu est laissée à l’appréciation des spectateurs qui peuvent rester observateurs s’ils le souhaitent.